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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Celui-ci avait conservé ou renoué ses relations avec Louis Hébert. Les 7 et 18 février 1617, il adressa, de Pons, deux lettres[1] à « Louys Hébert, bourgeois, de Paris, appoticaire, et fils d’appoticaire de la feue reine Catherine de Médicis, » dans lesquelles il dit que Hébert « avec feu M. de Poitrincourt avait despendu une bonne partie de son bien pour tascher à faire quelque chose de généreux en Lacadie. »

Louis Hébert était allé en Acadie, dès 1604, avec de Monts[2], et y avait conduit sa femme en 1606, paraîtrait-il, puisque, vers 1625, dans une requête[3] adressée au duc de Ventadour, il représente qu’il « est le chef de la première famille qui ait habité, depuis l’an mil six cent six jusqu’à présent, » dans ces possessions lointaines. Ce texte signifie pour nous qu’Hébert avait amené sa femme à Port-Royal l’année 1606, et, quoique ce poste eût été abandonné en 1607, repris en 1609, puis déserté de nouveau en 1613, le digne colon se considérait comme le plus ancien chef de famille de la Nouvelle-France. Madame de Poutrincourt, arrivée en Acadie le 22 mai 1611[4], ne serait donc pas la première femme européenne qui soit passée dans l’Amérique du Nord.

Au commencement de 1617, à la suite des lettres échangées avec de Monts, le sieur Hébert vendit les biens qu’il possédait à Paris[5] et obtint la promesse d’un terrain de dix arpents à Québec. Sur le printemps, il partit avec sa femme, Marie Rollet, et ses enfants, Guillaume, Anne et Guillemette[6], pour se rendre à Honfleur, où les attendait un navire commandé par le capitaine Morel. Les Pères Paul Huet et Joseph Le Caron s’embarquèrent aussi. Le Père Denis Jamay demeurait en France, attendu que « messieurs de la compagnie, allant un peu trop à l’épargne, n’accordèrent place que pour deux, » nous explique le Père Le Clercq. Au moment de lever l’ancre, « un certain Boyer, grand chicaneur, » membre de la compagnie, signifia à Champlain un arrêt du parlement portant que celui-ci ne pouvait plus se considérer comme lieutenant du prince de Condé. C’était la cabale de Thémines qui agissait de la sorte, se prétendant l’interprète des désirs de la compagnie, laquelle, du reste, en était bien aise. On était (mars-avril 1617) au plus fort de la dispute entre Condé et le maréchal.

Champlain laissa passer la pièce de Boyer et s’embarqua, non sans être vivement affecté, sans doute, d’une situation si préjudiciable à ses projets. Boyer[7] était peut-être ce même chirurgien de Rouen qui avait (1610) pansé les blessures de Champlain, dans l’île Saint-Ignace. Il faisait alors la traite. On le voit (1613) arrivant de France à la traite de Tadoussac. C’est en 1619 seulement que Champlain obtint un arrêt le débarrassant des obsessions de Boyer : ce dernier fut alors désavoué par la compagnie ; vainqueur, il eût été reconnu par elle.

  1. Harrisse : Bibliographie, etc., pp. 34, 44, 287.
  2. Rameau : Une colonie féodale, p. 14.
  3. Titres seigneuriaux, publiés à Québec, 1852, vol. I. 373 ; Vol B., p. 341.
  4. Rameau : Une colonie féodale, 34.
  5. Titres seigneuriaux, I. 373.
  6. Née en 1606, elle décéda, à Québec, en 1684, étant la dernière personne survivante des colons de 1617.
  7. En 1606, un nommé Boyer, marchand, de Rouen, délivré des prisons de la Rochelle, par le consentement de Poutrincourt, à condition qu’il n’irait plus traiter dans la Nouvelle-France, retournait faire le trafic à Canseau, malgré les défenses du roi.