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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

sur l’Hudson. On peut dire qu’il était placé entre deux feux : les Iroquois qui y allaient en agresseurs ; les Algonquins qui exigeaient de l’aide si on voulait les avoir pour amis et qui fussent devenus dangereux si on ne les eût pas satisfaits. Non-seulement l’intérêt de la traite demandait que l’on résistât aux Iroquois, mais, pareillement, les besoins de la colonisation et ceux de la religion ; car il ne fallait pas songer à instruire les Sauvages tant que dureraient les alarmes, les massacres, le système d’embuscades et de surprises qui rendait les bords du fleuve inhabitables.

Ceux qui ont écrit que Champlain eut dû « se concilier l’affection des Sauvages, comme le faisaient les Hollandais, » perdent de vue que ces mêmes Hollandais se sont alliés aux Iroquois pour la destruction des Sauvages dont Champlain était l’ami, et que, désespérant d’avoir le dessus, ils confièrent aux Iroquois (1640) les armes à feu qui les ont rendus si redoutables, alors que les Français n’osaient point, après trente années de lutte, pourvoir leurs alliés de ces engins de destruction.

Nous empruntons à M. l’abbé Laverdière le récit de la campagne de 1615 :

« L’armée partit de Cahiagué le premier de septembre, et prit la direction de la rivière Trent et de la baie de Quinté. Quand on eut traversé le lac des Entouoronon (le lac Ontario), on cacha soigneusement les canots. Après avoir fait, à travers le pays des Iroquois, environ une trentaine de lieues, les alliés arrivèrent enfin devant le fort des ennemis. Un corps, de cinq cents guerriers carantonanais, qui devait faire diversion par un autre côté, n’arriva que plusieurs jours après le temps convenu. L’attaque eut lieu cependant ; mais les Sauvages se ruèrent sur le fort en désordre, et Champlain ne put jamais réussir à se faire entendre dans la chaleur du combat ; ce premier assaut fut inutile. Le soir, dans un conseil, Champlain proposa de construire, pour le lendemain, un cavalier, du haut duquel les arquebusiers français auraient plus d’avantage à tirer, et une espèce de mantelet pour protéger les assaillants contre les flèches et pierres lancées de dessus la palissade. Quelques-uns voulaient qu’on attendît le renfort des Carantonanais ; mais l’auteur, voyant que l’armée alliée était assez forte pour emporter la place, craignant d’ailleurs qu’un retard ne donnât à l’ennemi le temps de se fortifier davantage, fut d’avis qu’on livrât de suite un second assaut. L’indiscipline des Sauvages fit tout manquer ; il fallut songer à la retraite. Champlain avait reçu deux blessures, à la jambe et au genou.

« Quand les alliés furent de retour au lac Ontario, Champlain demanda qu’on le reconduisît à Québec. Mais les Hurons, qui avaient intérêt à le garder avec eux, firent en sorte qu’il n’y eût point de canot disponible, et il dut se résigner à passer l’hiver en leur pays.

« L’armée fut de retour à Cahiagué dans les derniers jours de décembre. Champlain, après s’être reposé quelques jours chez son hôte, Darontal (ou Atironta), se rendit à Carhagonha pour y revoir le Père Le Caron. Ils partirent tous deux ensemble, le 15 février (1616), et allèrent visiter la nation du Petun (les Tionnontatés), qui demeuraient plus au sud-ouest. De là ils poussèrent jusqu’au pays des Andatahonat ou Cheveux-Relevés, et, si on ne les en eût détournés, ils voulaient se rendre jusqu’à la nation neutre (les Attionandarons). »