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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

à Tadoussac. » Toutefois, à cause de la campagne projetée contre les Iroquois, ils remirent l’affaire à une autre année. À quelques semaines d’intervalle, cette fois encore (1610), Henri Hudson exécutait un projet correspondant à celui de Champlain : parti de la Tamise, il entrait dans la grande mer dont parlaient les Montagnais et lui donnait son nom ; c’est la baie d’Hudson.

Au mois de mai 1611, Batiscan et un certain nombre d’Algonquins rencontrèrent Champlain à Québec. « Je leur fis, dit-il, proposition de mener un de nos gens aux Trois-Rivières pour les reconnaître et ne put obtenir aucune chose d’eux pour cette année, me remettant à l’autre. Néanmoins, je ne laissai de m’informer particulièrement de l’origine et des peuples qui y habitent, ce qu’ils me dirent exactement. »

Dans son nouvel ouvrage, publié en 1612, Lescarbot dit que le grand lac désigné à Champlain par les Sauvages comme donnant naissance au fleuve Saint-Laurent, doit aboutir de quelque manière à l’océan Pacifique. Il ajoute : « La grande rivière de Canada prend son origine de l’un des lacs qui se rencontrent au fil de son cours, si bien qu’elle a deux cours, l’un en Orient, vers la France, l’autre en Occident, vers la mer du Sud. »

L’année suivante, le même écrivain dédie à Champlain le sonnet que voici :

Un roi numidien poussé d’un beau désir
Fit jadis rechercher la source de ce fleuve
Qui le peuple d’Égypte et de Libye abreuve,
Prenant en son portrait son unique plaisir.

Champlain, ja de longtemps je vois que ton loisir
S’employa obstinément et sans aucune treuve
À rechercher les flots, qui de la Terre Neuve
Viennent, après maints sauts, les rivages saisir.

Que si tu viens à chef de ta belle entreprise,
On ne peut estimer combien de gloire un jour
Acquerras à ton nom que dès ja chacun prise.

Car d’un fleuve infini tu cherches l’origine,
Afin qu’à l’avenir y faisant ton séjour
Tu nous fasses par là parvenir à la Chine.

Le récit de Vignau avait donc quelque vraisemblance. Ceux qui s’intéressaient au Canada, tel que le président Jeannin, ami et protecteur de Lescarbot ; le maréchal de Brissac, sous lequel Champlain avait servi ; le chancelier Nicolas Brûlart de Sillery, invitèrent Champlain à ne rien négliger pour reconnaître ces régions nouvelles. Vignau promit de guider, moyennant récompense, ceux qui voudraient voir la mer du Nord ; on l’envoya à la Rochelle, où il fit, par devant notaire (1612), une déclaration de sa prétendue découverte, et le sieur Georges, marchand du lieu, lui donna passage sur son vaisseau, pour aller au Canada attendre le retour de Champlain. Toutefois, ce dernier, qui avait conçu des soupçons, lui dit que, s’il le trompait, « il se mettait la corde au cou. »