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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Parti de Québec le 13 mai, Champlain arriva au saut Saint-Louis le 21. Trois jours après, survinrent trois canots d’Algonquins « qui venaient du dedans des terres, chargés de quelque peu de marchandises. » On sut par eux que les mauvais traitements dont ils avaient eu à souffrir de la part des traiteurs, l’année précédente, avaient dégoûté leur nation de se rendre de nouveau au devant des Français. Cette nouvelle attristait fort les marchands, car ils étaient munis d’articles de traite pour faire de grandes échanges. Champlain résolut donc d’aller les visiter chez eux sans perdre de temps, afin de leur exposer la situation et donner suite à ses découvertes.

On se rappelle que, l’été de 1611, il avait envoyé Nicolas de Vignau hiverner à l’île des Allumettes. L’année suivante, cet employé, « le plus impudent menteur qui se soit vu de longtemps, » rejoignit Champlain en France et lui raconta qu’il avait vu la mer du Nord, où étaient les débris d’un navire anglais perdu à la côte, et que les Sauvages avaient tué quatre-vingts personnes échappées de ce naufrage. Comme tous les mensonges, ce conte renfermait probablement un fond de vérité. Vignau, toutefois, n’était pas allé plus loin que l’île des Allumettes.

Dans le récit de son premier voyage (1603) sur le Saint-Laurent, Champlain explique très bien que les Sauvages lui ont retracé les sauts et rapides situés au dessus de l’île de Montréal, et dont Noël parle dans sa lettre de 1588 ; seulement, il donne au lac Ontario quatre-vingts lieues, et ailleurs cent cinquante. Il indique la rivière Trent, la baie de Quinté, la rivière Noire, la rivière Oswégo, la chute de Niagara, le lac Érié, qu’il estime, dans un endroit, à soixante lieues, et, dans un autre, à la même longueur que l’Ontario. Il ne désigne ces localités par aucun nom. Les Sauvages, dont il tirait ces renseignements, disaient avoir peu fréquenté le lac Érié, mais que l’eau en était douce. Selon ce qu’ils avaient pu apprendre, il existait, à l’extrémité sud de ce dernier lac, un détroit (le Détroit aujourd’hui), au delà duquel est un lac (le lac Huron) si étendu, que personne ne se hasarde de naviguer au large dans cette mer, car ils disaient que l’eau en était saumâtre. À leur avis, le lac Huron devait se déverser tout autant au nord et au sud que dans la rivière du Détroit. Champlain pensa que c’était le Pacifique, mais il ajoute : « Il n’y faut pas tant ajouter de foi. » Ayant calculé les distances dont on lui parlait, il dit que la mer en question devait se trouver à quatre cents lieues de Montréal en suivant la ligne d’eau. Une carte moderne sous les yeux, le lecteur se convaincra que Champlain ne s’écarte guère de la vérité en décrivant ces vastes espaces qu’il n’avait pas encore vus.

Avant d’avoir eu la connaissance personnelle du Haut-Canada, il pensait, comme Jacques Cartier, qu’il suffirait d’un voyage de deux ou trois cents lieues à l’intérieur des terres pour atteindre la mer de Chine.

Une rivière de la Virginie passa aussi, pendant un certain temps, pour avoir sa source près du Japon. On crut ensuite que l’Ohio et le Mississipi conduiraient à la mer du Sud.

Dans un sonnet, écrit par un nommé La Franchise, en 1603, il est fait allusion aux chutes du Niagara et aux découvertes que l’on espère exécuter par le Canada :