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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

embarquemens et autres choses nécessaires à cet effet, qu’il fera ès villes et havres de Normandie et autres lieux où jugerez être à propos, vous avons de tous donné et donnons par ces présentes toute charge, pouvoir, commission et mandement spécial ; et pour ce vous avons substitué et subrogé en notre lieu et place, à la charge d’observer, et faire observer par ceux qui seront sous votre charge et commandement, tout ce que dessus, et nous faire bon et fidèle rapport, à toutes occasions, de tout ce qui aura été fait et exploité, pour en rendre par nous prompte raison à Sa dite Majesté.

« Si prions et requérons tous princes, potentats et seigneurs étrangers, leurs lieutenants-généraux, amiraux, gouverneurs de leurs provinces, chefs et conducteurs de leurs gens de guerre, tant par mer que par terre, capitaines de leurs villes et forts maritimes, ports, côtes, havres et détroits, donner au dit sieur de Champlain, pour l’entier effet et exécution de ces présentes, tout support, secours, assistance, retraite, main-forte, faveur et aide, si besoin en a, et en ce qu’ils pourront être par lui requis. En témoin de ce, nous avons ces dites présentes signé de notre main, fait contresigner par l’un de nos secrétaires ordinaires, et à icelles fait mettre et apposer le cachet de nos armes.

« À Paris, le quinzième jour d’octobre, mil six cent douze.

« Signé : CHARLES DE BOURBON.

« Et sur le repli, Par monseigneur le comte,

« Signé : BRESSON. »

Le commentaire qui suit nous paraît résumer parfaitement la situation, au moment où Champlain se voyait muni, pour la première fois, de pouvoirs aussi étendus :

« La plupart des entreprises lointaines à cette époque reposaient sur des privilèges commerciaux concédés par charte royale ; ce système, fâcheux au point de vue économique, était la plupart du temps, il faut en convenir, une nécessité de la situation ; une entreprise coloniale, même celle de l’Acadie, si simple qu’elle puisse nous paraître, était alors une opération de longue haleine, fort au-dessus des moyens d’une fortune ordinaire, tant il eût fallu de longs délais pour rentrer avec profit dans les avances répétées que nécessitait, pendant longtemps, la création d’une colonie. Le commerce courant avec les pays nouveaux n’aurait jamais fourni assez de bénéfices pour la défrayer et la maintenir ; il fallait donc, en dehors des ressources privées et communes, une subvention extérieure ou un profit extraordinaire : les Espagnols trouvèrent ce profit dans l’exploitation des métaux précieux, qui est sans doute une très mauvaise base pour la colonisation, mais dont les produits sont immédiats ; les Anglais du Massachusets furent subventionnés et soutenus, pendant de longues années, par les cotisations très abondantes des puritains d’Angleterre, sans lesquelles leur histoire nous montre qu’ils eussent péri de faim et de dénûment à diverses reprises, pendant les vingt premières années ; leur position était donc bonne, car ils se trouvaient à peu près pourvus de toutes leurs nécessités, tandis que la plupart des capitaux qui fournissaient ces nécessités ne demandaient aucuns profits, ni même de remboursement

« Nos colons français n’étaient point en une telle condition ; l’État seul, qui représente