écrit en 1612 le Père Biard, quoiqu’à peine sorti de l’enfance, le secondait, et fournit une carrière fort remarquable, comme on le verra. C’est à lui que de Monts avait donné Port-Royal ; dès l’année 1608, il s’y rendit, laissant son père en France, vécut en bons termes avec les pêcheurs basques et rochelois qui fréquentaient les côtes, apprit la langue des Sauvages à la perfection, et se forma au dur régime que lui imposait cette nouvelle vie.
Il avait été fait mention que le confesseur du roi désignerait quelques prêtres de la compagnie de Jésus pour commencer à évangéliser les indigènes ; le roi promettait deux mille livres pour leur entretien. Le Révérend Père Biard reçut ordre de se rendre à Bordeaux sur la fin de 1608 ; mais il y attendit vainement des nouvelles de Port-Royal.
Les associés de Poutrincourt, deux entre autres, nous dit Lescarbot, le trompèrent. Il perdit les sommes déboursées pour son équipement, lequel avait dû être préparé vers le printemps de 1609. Très tard dans l’automne de cette année, il arriva à Paris, n’ayant encore fait que peu ou point de préparatifs pour se mettre en route. Le roi le réprimanda vertement de ce qu’il n’était pas parti, et de ce que, sur deux ans qu’on lui avait accordés pour transporter plusieurs familles et cultiver les terres de son domaine d’Acadie, la majeure portion, sinon le tout, s’était écoulé sans résultat. Le fait est que Poutrincourt était ruiné et cherchait, depuis plus de vingt mois, des bailleurs de fonds. Force lui était, cependant, de se mettre à l’œuvre sur l’heure ou d’abandonner ses projets. Il annonça que son fils, Jean de Biencourt, reviendrait, en 1610, chercher les Pères Jésuites, et que, en attendant, lui, Poutrincourt, allait se rendre au Port-Royal. Là-dessus, le Père Coton lui fit observer qu’il serait à propos d’amener, dès ce prochain voyage, un ou deux Pères ; mais Poutrincourt ne goûta point cet avis, qu’il éluda en remettant l’affaire à l’année suivante.
Au commencement de février 1610, dit M. Rameau, il partit de son manoir de Saint-Just, en Champagne, et s’embarqua sur un bateau qu’il avait rempli de vivres, de meubles et de munitions de guerre ; il descendit ainsi l’Aube, puis la Seine jusqu’à son embouchure, et arriva à Dieppe à la fin de février. Il emmenait avec lui son fils aîné[1], Charles de Biencourt, et Jacques de Salazar, son second fils, qui continua la lignée des Poutrincourt ; plus les sieurs de Coulogne, René Maheu, Belot de Montfort, de Jouy, et Bertrand, natif de Sezanne.
Louis Hébert voulait revoir les lieux où il avait espéré s’établir pour jamais et qui lui étaient ouverts de nouveau. Claude de Latour, ou simplement Latour (car les uns en font un gentilhomme, et les autres un simple maçon, observe M. Rameau), qui devait prendre une part active au développement de l’Acadie, était du voyage et amenait son fils, Charles, âgé de quatorze ans. Il y avait aussi Thomas Robin de Coulogne, plus haut mentionné, fils du gouverneur de Dieppe, lequel avait fortement contribué de ses deniers et de sa personne. (Rameau)
Le navire mit à la voile, à Dieppe, le 25 février 1610, et arriva au Port-Royal au commencement de juin, ayant failli tomber aux mains, non de pirates ordinaires, mais des
- ↑ Nous croyons que la liste des enfants de Poutrincourt, telle que nous l’avons dressée un peu plus haut, est exacte. Jean était alors en Acadie. Les deux autres ici nommés devaient être très jeunes.