Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome I, 1882.djvu/12

Cette page a été validée par deux contributeurs.
10
HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

chure du Saint-Laurent. Cartier parle du Labrador, disant : « Je pense que cette terre est celle que Dieu donna à Caïn. » Il décrit les Esquimaux. Le 15 juin, il fit route au sud, releva Terreneuve à la hauteur du cap Double, autrement pointe Riche ou port à Choix, et visita la côte occidentale de cette île sur une grande longueur, s’arrêtant assez près de son extrémité qui est le cap Ray. Il note dans son journal qu’il croit à l’existence d’un passage entre Terreneuve et le cap Breton, ce qui est juste ; mais le mauvais temps l’ayant rejeté au large, il ne put s’en assurer. Après avoir aperçu les îles de la Madeleine, il poursuivit sa route à l’ouest, et le 30 juin il entra dans la rivière Miramichi, qu’il appela fleuve des Barques parce qu’il y vit des Sauvages dans leurs canots. Le 3 juillet, il eut connaissance d’un grand golfe qu’il nomma, quelques jours plus tard, baie des Chaleurs ; lorsqu’il se fût assuré qu’il n’y avait pas d’ouverture pour pénétrer à l’ouest, sur le chemin de la Chine qu’il se flattait de découvrir, il fit quelques échanges avec les indigènes, puis se remit à suivre les côtes dans la direction du nord, et alla mouiller, le 14 juillet, entre l’île Bonaventure et le cap Percé ; de là il chercha un passage au fond de la baie de Gaspé, ne se doutant pas qu’il l’avait eu devant lui sur la côte du Labrador, et qu’en ce moment même, il l’avait à sa droite ; car le Saint-Laurent était cette ouverture dans les terres qu’il voulait trouver pour se rendre plus à l’ouest. Ses rapports avec les Sauvages de Gaspé furent excellents ; un chef lui confia deux de ses fils à condition qu’il les lui ramènerait l’année suivante. Dans le lieu le plus apparent de la baie, il planta (24 juillet) une croix haute de trente pieds, sur laquelle il plaça un écusson orné de trois fleurs de lys, avec une inscription en grosses lettres taillées dans le bois : « Vive le Roy de France ! » Le lendemain il fit voile comme pour entrer dans le Saint-Laurent, mais il obliqua bientôt au nord-nord-est, rencontra la pointe orientale de l’île d’Anticosti, s’engagea dans le canal qui est entre cette île et la terre du nord, et, le 9 août, il était de nouveau à Blanc-Sablon, d’où il repartit le 15, franchit le détroit de Belle-Isle et arriva à Saint-Malo le 5 septembre. Si la saison n’eût pas été aussi avancée qu’elle l’était, il est probable qu’il eût reconnu le grand fleuve en suivant le passage qui est entre l’île d’Anticosti et la terre du nord, comme il paraît en avoir eu la pensée.

C’était là de véritables découvertes, aussi se montra-t-on désireux à la cour de les poursuivre sans perdre de temps. Cartier reçut de plus amples pouvoirs ; on lui confia trois vaisseaux : la Grande-Hermine, la Petite-Hermine (ainsi baptisée pour ce voyage ; elle portait auparavant le nom de Courlieu) et l’Émérillon, approvisionnés pour quinze mois. Sa commission, datée du 30 octobre 1534, lui ordonne de parachever la navigation des terres déjà observées, et de s’avancer plus loin si possible, selon les désirs du roi. Le 16 mai 1535, jour de la Pentecôte, les trois équipages, réunis dans la cathédrale de Saint-Malo, firent leurs dévotions, entendirent la messe, et, avant que de sortir du saint lieu, monseigneur François Bohier, revêtu de ses habits pontificaux, leur accorda sa bénédiction. Cette scène religieuse nous paraît encore plus imposante que celle de Christophe Colomb partant pour la découverte de l’Amérique.

Les trois navires levèrent l’ancre, à Saint-Malo le mercredi 19 mai, et naviguèrent de