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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

époux fait et constitué, et par ces présentes font et constituent, leur procureur général et spécial le porteur des présentes… Fait et passé à Paris, en la dite rue et paroisse Saint-Germain, enseigne du Miroir, après midi, l’an mil six cent dix, le lundi, vingt-septième jour de décembre. Et ont les dits futurs époux et autres susnommés, signé la minute des présentes demeurée vers Arragon, l’un de nous soussigné. (Signé), « Choquillot et Arragon. » Et plus bas est écrit ce qui ensuit : « Le dit sieur de Champlain, sieur du dit lieu, comme dessus nommé, confesse avoir eu et reçu des dits Nicolas Boullé et Marguerite Alix, sa femme, aussi çi-dessus nommés, le dit Boullé à ce présent, la somme de quatre mille cinq cents livres, sur et en moins de la somme de six mille livres tournois au dit sieur de Champlain promise en faveur du mariage de lui et Hélène Boullé… Fait et passé à Paris… 29 décembre 1610. »

Les fiançailles eurent lieu dans l’église Saint-Germain l’Auxerrois, le 29 décembre, et le lendemain le mariage fut célébré dans la même église.

Nicolas Boulé était protestant. Sa fille, âgée de moins de douze ans à l’époque de son mariage, demeura encore plusieurs années en France et embrassa (vers 1612 ou 1613) le catholicisme, par les soins de son mari. Plus tard, elle convertit son propre frère, Eustache Boullé, que nous rencontrerons à Québec.

Notons ici que les entreprises de la Nouvelle-France se faisaient, depuis les dernières années, dans deux principales directions : Québec et Terreneuve. Ce dernier, ainsi que le cap Breton, formaient un groupe fréquenté par les pêcheurs.

L’année 1609, plusieurs maîtres de navires et matelots, employés à la pêche de la morue, furent tués par les Sauvages de Terreneuve, ce qui causa un grand émoi dans les familles de Saint-Malo, Cancale et les environs, « qui victuaillent à Terreneuve. » En conséquence, sur instructions à eux données, le 25 octobre 1610, par la communauté de Saint-Malo, partirent Robert Heurtault Bricourt, Jean Grout-Villefrouneaux et Jean Pepin-Bonaselière, porteurs d’une requête au roi « pour obtenir permission d’armer, aux frais des propriétaires, des navires, pour faire la guerre aux Sauvages, » ce qui fut accordé, au mois de février 1611, par lettres du roi adressées à monseigneur Guillaume Le Gouverneur, nommé récemment (29 janvier 1610) évêque de Saint-Malo.

Champlain était alors en France. Si quelqu’un lui eut fait reproche d’avoir porté les armes contre des tribus qui, non seulement attaquaient ses alliés, mais menaçaient sa colonie, il eût pu répondre : voici un roi, un évêque, des bourgeois et échevins qui décident la guerre contre des Sauvages dont l’attitude est infiniment moins condamnable que ne l’était celle des Iroquois à mon égard.

Champlain et Pontgravé remirent à la voile, de Honfleur, le premier jour de mars 1610 et furent deux mois et demi à une traversée presque constamment périlleuse. Les banquises les environnèrent plus d’une fois, et ils chassèrent avec elles jusqu’au sud du cap Breton. À deux reprises, ils aperçurent dans les glaces des navires qui paraissent en danger comme eux ; un troisième leur apparut le premier de mai et ils réussirent à se mettre en rapport avec