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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

était à Québec. À la prise de cette place, il se donna aux Anglais, et, plus tard, fut brûlé et mangé par les Hurons.

Vers le 24 juin, Champlain partit de l’île Saint-Ignace et rejoignit, dans le lac Saint-Pierre, Pontgravé, qui l’avait devancé et qui l’attendait là, « avec une grande patache qu’il avait rencontrée au dit lac, qui n’avait pu faire diligence de venir jusqu’où étaient les Sauvages, pour être trop lourde de nage. » Nous avons déjà vu que la concurrence de la traite indignait Champlain. La révocation du privilége de M. de Monts « ayant été divulguée par les ports de mer, nous dit Lescarbot, l’avidité des mercadens pour les castors fut si grande, que les trois parts cuidans aller conquérir la toison d’or sans coup férir, ne conquirent pas seulement des toisons de laine, tant était grand le nombre des conquérants. » Champlain écrit de son côté : « La traite de pelleteries fut si misérable pour la quantité de vaisseaux, que plusieurs se souviendront longtemps de la perte qu’ils firent en cette année. »

Retournés tous deux à Québec, Champlain s’occupa de fortifier l’habitation, tandis que Pontgravé se rendait à la « seconde traite » de Tadoussac, d’où Pierre Chavin partit pour Québec dans les premiers jours de juillet.

Desmarais arriva de France à Québec le 4 juillet. Chavin y étant arrivé à son tour, Champlain descendit à Tadoussac, où il apprit la nouvelle de l’assassinat du roi Henri IV, survenu le 14 mai. On lui annonçait aussi que les huguenots avaient été chassés de Brouage par M. de Saint-Luc. Trois ou quatre jours après, lui et Pontgravé remontèrent à Québec, amenant Duparc, et laissant Chavin à Tadoussac.

On s’occupait de quelques améliorations à l’établissement. Les jardins étaient bien garnis « d’herbes potagères de toutes sortes, avec de forts beaux blés d’Inde et du froment, seigle et orge qu’on y avait semé. » De colons proprement dit, il n’y en avait aucun dans le pays. C’était des hivernants du poste de Québec qui faisaient le « jardinage » de Champlain.

La situation du royaume avait de quoi alarmer Champlain au sujet de sa colonie. Laissant Québec sous les ordres de Duparc, avec seulement seize hommes, il partit, le 8 août (1610), pour repasser en France, accompagné de Pontgravé. Le 13, à Tadoussac, le capitaine Chavin, « un bon et vénérable vieillard » (Lescarbot) se joignit à eux. Le 18, ils quittaient Percé, et, le 27 septembre, ils rentraient à Honfleur.

La colonie de Québec n’était pas assez protégée pour prendre de l’essor et pouvoir, avant longtemps, se suffire à elle-même. Ni de Monts ni Champlain n’avaient l’argent nécessaire à son développement. La pauvreté les empêchait donc d’y transporter des cultivateurs, d’y fixer des ménages et de subvenir aux besoins de ceux-ci durant les deux ou trois premières années de leur résidence, en attendant que la terre eût produit de quoi les nourrir. Il est vrai qu’ils avaient compté sur les profits de la traite ; mais un an ne s’était pas écoulé, que le roi avait rendu libre (1609) ce trafic dans lequel les Basques, et surtout les Malouins et les Normands, s’entendaient si bien. La concurrence était ruineuse pour Champlain, qui travaillait partout en vue de sa colonie et ne donnait au commerce que de rares moments de loisir. Pontgravé s’employait avec ardeur à la partie mercantile ; c’est lui qui,