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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

font les historiens qui s’apitoient sur le sort des Iroquois. À défaut de tout autre raisonnement, il en est un qui exonère le fondateur de Québec : les flottilles de traite ne pouvaient se montrer sur le Saint-Laurent sans rencontrer les Iroquois ; si on n’eût pas frappé ceux-ci de terreur, en 1609, la chose eût été à faire dès l’année suivante. Le premier convoi attaqué par les Sauvages (les Iroquois), descendus du lac Champlain, eût été défendu par les balles des Français qui faisaient la traite avec les Hurons et les Algonquins, que ces Français fûssent ou non sous les ordres de Champlain ; un conflit de cette nature était inévitable à courte échéance. Champlain le comprenait. Ne voulant pas voir l’ennemi à ses portes, il alla porter chez lui ses moyens de résistance et lui imposa ses volontés. Cet acte de vigueur et de défense personnelle est légitime. Nous en ferions autant au besoin.

Partie de Québec le 28 juin (1609), « l’armée » remonta le Saint-Laurent et la rivière des Iroquois (Sorel ou Chambly à présent), entra dans le lac qui porte le nom de Champlain, et, le 29 juillet au soir, rencontra l’ennemi. Le résumé suivant du long récit de Champlain a été fait par M. l’abbé Laverdière : « Les Iroquois mirent à terre, et se barricadèrent de leur mieux ; les alliés rangèrent leurs canots, attachés les uns contre les autres, et gardèrent l’eau, à portée d’une flèche, jusqu’au lendemain matin. La nuit se passa en danses et chansons, avec une infinité d’injures, de part et d’autre. Le jour venu, on prit terre, en cachant toujours soigneusement les Français, pour ménager une surprise. Les Iroquois, au nombre de deux cents hommes, forts et robustes, s’avancèrent avec assurance, au petit pas, trois des principaux chefs à leur tête. Les alliés, de leur côté, marchaient pareillement en bon ordre ; ils comptaient, avant tout, sur l’effet foudroyant des armes à feu, dont les Iroquois n’avaient encore aucune idée. Champlain leur promit de faire ce qui serait en sa puissance, et de leur montrer, dans le combat, tout son courage et sa bonne volonté ; qu’indubitablement, ils les déferaient tous. Quand les deux armées furent à la portée du trait, l’armée alliée ouvrit ses rangs. Champlain s’avança jusqu’à trente pas des ennemis, qui demeurèrent interdits à la vue d’un guerrier si étrange pour eux. Mais leur surprise fut au comble quand, du premier coup d’arquebuse, ils virent tomber deux de leurs chefs, avec un autre de leurs compagnons grièvement blessé. Champlain n’avait pas encore rechargé, qu’un des Français, caché dans le bord du bois, tira un second coup et les jeta dans une telle épouvante, qu’ils prirent la fuite en désordre. Les alliés firent dix à douze prisonniers, et n’eurent que quinze ou seize des leurs de blessés. »

Au retour, les Hurons et les Algonquins se séparèrent du gros de l’expédition, quelque part aux rapides de Chambly, afin de se rendre, à travers les terres, jusqu’à Montréal, et de là chez eux, par la rivière des Algonquins (l’Ottawa). Champlain, avec les Montagnais, descendit à Québec, et, sans retard, à Tadoussac. Il retourna bientôt à Québec, puis, le 1er septembre, en repartit pour faire route vers la France, laissant « un honnête homme, appelé Pierre Chavin, de Dieppe, pour commander à Québec, où il demeura jusqu’à ce que le sieur de Monts en eût ordonné. »

Le 13 octobre, Champlain débarquait à Honfleur, en compagnie de Pontgravé. Ils