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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

les longs pans de l’église de la basse-ville, à peu près à l’endroit où est la chapelle latérale, et, comme ce terrain continua d’appartenir au gouvernement jusqu’à ce qu’on y bâtit l’église, il y a tout lieu de croire que la limite de cette enceinte, du côté du sud-ouest, était l’alignement du mur auquel est adossé le maître-autel, avec l’encoignure des rues Saint-Pierre et Sous-le-Fort. Les deux corps de logis les plus rapprochés du fleuve devaient faire, entre eux, un angle correspondant à celui que fait, un peu plus en arrière, la rue Notre-Dame ; par conséquent, les deux pointes d’éperons que figure l’auteur dans la vue de ce premier logement, enfermaient quelque peu l’habitation de ce côté. Cependant, il semble que, s’il n’y en avait eu que deux, Champlain n’aurait pas dit « plusieurs ; » en outre, on remarque, dans ce dessin[1], la prolongation d’une des faces de l’enceinte au delà de l’angle oriental de l’habitation, ce qui autorise à croire qu’il y avait une troisième pointe d’éperon du côté du nord-est. Ceci est d’autant plus vraisemblable, que ce côté était plus exposé à une attaque. La place « devant le bâtiment » forme aujourd’hui une partie de la rue Saint-Pierre, dont la direction s’est trouvée déterminée, sans doute, par la position du corps de logis qui était le plus à l’est, comme semble l’indiquer le dessin que nous a conservé l’auteur. La largeur de la rue Notre-Dame, avec les emplacements qui la bordent, du côté du nord, forment une profondeur d’une cinquantaine de pas, ce qui s’accorde avec l’étendue de la place du septentrion mentionnée dans le texte. »

Champlain continue ainsi la description de ses travaux : « Pendant que les charpentiers, scieurs d’aix et autres ouvriers travaillaient à notre logement, je fis mettre tout le monde à défricher autour de l’habitation, afin de faire des jardinages pour y semer des grains et graines pour voir comme le tout succéderait, d’autant que la terre paraissait fort bonne… Le premier octobre, je fis semer du blé, et le 15, du seigle. Le 3 du mois, il fit quelques gelées blanches et les feuilles des arbres commencèrent à tomber le 15. Le 24 du mois, je fis planter des vignes du pays qui vinrent fort belles ; mais après que je fus parti de l’habitation pour venir en France (automne de 1610), on les gâta toutes, sans en avoir eu soin, qui m’affligea beaucoup à mon retour. »

Sur les conseils qu’avait donnés Pontgravé, on coupa du bois, afin de pouvoir se chauffer sans inconvénient durant la saison rigoureuse.

Nous avons dit que les tribus rencontrées le long du fleuve par Pontgravé et Champlain n’étaient plus les mêmes que celles dont parle Cartier. Elles avaient moins d’industrie, et étaient d’une race inférieure à la première.

Vers le milieu de l’automne (1608), un bon nombre de Sauvages s’étaient cabanés près de Québec. Durant l’hiver, ils souffrirent de la famine, selon l’habitude ; car ces pauvres êtres, imprévoyants et guère plus civilisés que les animaux, menaient, en cette rude saison, une existence affreuse. Champlain nous parle de quelques-uns d’entre eux qui dégelaient des charognes et les dévoraient à moitié cuites, tant la faim les pressait. La pitance des chiens des Français était pour eux un régal au dessus de tout bienfait. « Ces peuples pâtissent tant,

  1. Il fait partie des gravures du présent volume.