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réflexions sur l’art des vers

l’oreille. Il est donc naturel que l’alexandrin, dont chaque moitié en est formée, se soit offert et recommandé aux promoteurs de l’évolution du langage poétique en France. Remarquons toutefois que le groupe de six syllabes commande une diction appropriée à son rôle, selon qu’il constitue un vers ou seulement un hémistiche, selon que le rythme s’achève en lui ou attend d’une période complémentaire sa résolution, car l’essor de la voix influe sur l’accentuation, et n’a pas à se ménager dans le premier cas comme dans le second. Le lecteur, pour le constater, n’a qu’à réciter les vers suivants, de Ronsard :


Nulle humaine prière
Ne repousse en arrière
Le bateau de Charon,
Quand l’âme nue arrive
Vagabonde en la rive
De Styx ou d’Achéron.


Spontanément, il accentuera en chacun d’eux la syllabe rimée (la masculine surtout), plus que