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réflexions sur l’art des vers

n’est donné par les poètes qu’aux points de coïncidence des temps forts du rythme régulier avec ceux du rythme irrégulier, parce que la voix accuse la césure plus nettement là qu’ailleurs, sur l’indication du sens même de la phrase, qui s’y divise naturellement. Quand nous parlons de la césure, nous entendons celle dont ils se préoccupent ; or, même en nous plaçant à leur point de vue, nous signalerons des césures dans les vers de moins de dix syllabes, où ils n’en remarquent pas ordinairement parce qu’ils sont dispensés de pourvoir eux-mêmes à les placer.

Pour composer ces vers, et particulièrement celui de huit syllabes, les poètes n’ont souci que d’accommoder le double développement, logique et verbal, de la pensée au nombre fixe des syllabes ; les divisions rythmiques, quelque place que prenne la césure, sont nécessairement conformes à ces lois par les propriétés mêmes de ce nombre. Ainsi, un corps de phrase quelconque de huit syllabes, qu’on le nomme vers ou prose, ne peut pas ne pas procurer à l’oreille, de quelque façon que se placent ses syllabes fortes, la per-