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réflexions sur l’art des vers

elle insistera, par compensation, sur les syllabes fortes fond et cœur, afin que la durée du second hémistiche soit égale à celle du premier, l’unité de durée étant ici la durée de chacun d’eux. Ainsi, quand le nombre de syllabes requis pour constituer un vers a été exactement compté par les doigts, l’oreille y trouve aussi son compte : elle rattrape par la durée des unes ce qu’elle perd par celle des autres.

En réalité il existe pour la versification autant d’unités de mesure rythmique différentes qu’il s’y applique d’espèces différentes de rythmes. Chaque sorte de vers a son rythme propre, régulier ou irrégulier, et chaque rythme régulier a ses modes propres de mesure. Toute unité de mesure rythmique est faite des durées inégales de plusieurs syllabes ; mais, par contre, la somme de ces diverses durées y demeure constante. Quelle que soit l’unité de mesure rythmique, unité de durée des hémistiches, elle n’est pas arbitraire, elle est prescrite par les conditions mêmes que lui impose la loi du moindre effort. Cette unité de temps est tenue de partager la