servir l’animation croissante de la pensée. Les syllabes fortes sont celles où la vitesse acquise par la voix en glissant sur les autres s’accumule périodiquement. L’art de dire consiste pour beaucoup à contenir l’essor de la voix pour ne pas accélérer le rythme au détriment de la clarté du débit. Ainsi le mouvement passionnel communique à la voix un certain essor dont elle dispose au début de chaque nouvel intervalle du rythme. Mais qu’est-ce qui prédétermine la durée de chacun ? C’est le souvenir de celle du précédent. Non pas que l’une soit toujours tenue d’être égale à l’autre ; dans le rythme de la prose, le rythme spontané, que nous visons d’abord, il suffit que l’essor de la voix fournisse au développement logique de la pensée un développement phonique de la phrase proportionné de telle sorte que celui-ci, dans chaque intervalle, ne semble à l’oreille ni trop long ni trop court relativement aux intervalles antérieurs, car l’unité même du sens de la phrase en rend toutes les parties solidaires. Dans le rythme du vers les intervalles sont prédéterminés par d’autres con-
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réflexions sur l’art des vers