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réflexions sur l’art des vers

mais à peine perceptibles, dans les sons des instruments de musique artificiels. Ainsi l’instrument de musique naturel propre au langage, la voix humaine est bien supérieure à chacun de ceux-ci : outre, en effet, qu’elle est apte, par le chant, à produire la gamme comme eux tous, elle a l’avantage de former à elle seule une suite de sons de timbres différents, et d’affecter un même son diversement, comme nous venons de le dire. Nous avons encore à signaler le rôle de la ponctuation qui divise le discours en phrases musicales en même temps que grammaticales, et la phrase en fragments dont chacun fait sa partie dans l’ensemble harmonieux. Le rythme de ces développements phonétiques n’est pas soumis à la mesure de la musique proprement dite, et il n’est pas le même en vers qu’en prose. Nous touchons ici à la ligne de démarcation qui sépare les deux formes littéraires, et que de récentes écoles de poésie tendent inconsciemment à supprimer.

Quand on observe la diction d’un lecteur de prose, on remarque tout de suite que sa voix