Page:Sully Prudhomme - Réflexions sur l’art des vers, 1892.djvu/38

Cette page a été validée par deux contributeurs.
28
réflexions sur l’art des vers

lité plus sévère, mais nullement éthérée ; ce ne sont que des préceptes et des maximes. Les poètes français ont produit d’excellents vers dans tous les genres. Il n’y a aucun sujet interdit à cette forme du langage ; la comédie en vers le prouve, car aucune matière à entretien n’en est entièrement bannie. Aussi la progression que nous venons de constater dans les caractères expressifs de la prose a-t-elle pour parallèle une progression analogue dans ceux du vers depuis le poème didactique jusqu’à l’élégie et l’ode. Mais à chaque degré de ces deux échelles correspondantes, l’harmonie du vers l’emporte sur celle de la prose, grâce à des ressources musicales toutes particulières. Rien n’est plus contraire au génie français, comme à l’essence même de la versification, que de vouer celle-ci exclusivement au service des émotions poétiques, des états d’âme mélancoliques, nobles ou sublimes ; elle excelle à faire sonner le rire et à promulguer les décrets de la raison.