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réflexions sur l’art des vers

des objets qui s’y mirent. Plus expressive est la phonétique du langage dans la période de Bossuet, aux fortes divisions, à la chute impérieuse ; l’âme en est violentée et tout ébranlée. L’éloquence de Fénelon, plus communicative, est plus pénétrante encore. Avec Rousseau les battements même du cœur se font sonores dans la phrase qu’ils soulèvent en la rythmant. Chateaubriand, écrivain d’une virtuosité magnifique, introduit enfin dans la prose tout ce qu’elle comporte d’harmonie sans rien emprunter à la versification.

Il faut bien se garder de confondre celle-ci, c’est-à-dire l’art de faire des vers, avec la poésie considérée comme l’aspiration la plus ardente et la plus haute vers quelque céleste idéal. Les fables de La Fontaine sont pleines de recettes pratiques pour n’être pas dupe en ce bas monde, pleines d’aphorismes dépourvus de toute poésie, mais consacrés dans des vers nets, immuables, frappés comme des médailles, admirablement mnémoniques. On trouve en foule aussi, dans Corneille, de ces vers inoubliables, d’une mora-