Page:Sully Prudhomme - Poésies 1866-1872, 1872.djvu/55

Cette page a été validée par deux contributeurs.


LES AILES


 
Grand ciel, tu m’es témoin que j’étais tout enfant
Quand par témérité j’ai demandé des ailes ;
Convoitant de si bas les voûtes éternelles,
Mes vœux n’altéraient pas ton calme triomphant.

Je me sentais mourir dans un air étouffant,
Ciel pur ! et j’aspirais à des saisons nouvelles ;
Et c’est ta faute aussi, puisque tu nous appelles
Par ton sublime azur, par l’oiseau qui le fend !

Maintenant qu’épuisé, vaincu, je te proclame
Trop vaste pour tenir tout entier dans mon âme,
Pourquoi te venges-tu d’impuissantes amours ?

Et quel jaloux archange aux gaîtés malfaisantes
M’a planté dans le dos ses deux ailes géantes
Qui palpitent sans cesse en m’accablant toujours ?