Page:Sully Prudhomme - Poésies 1866-1872, 1872.djvu/237

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Où mille insectes fins venaient mirer leur aile ;
Eau si calme qu’à peine une feuille y glissait,
Si sensible pourtant que le bout d’une ombrelle
        D’un bord à l’autre la plissait.

Trois chênes lui prêtaient leur abri vénérable.
Hors de la terre, autour de leurs énormes flancs,
Leur racine saillante improvisait des bancs,
Et vers l’heure où, l’été, le poids du ciel accable,
Leurs branches sur les yeux ivres d’un vert sommeil
Épandaient un feuillage au jour seul pénétrable,
        Comme une tente en plein soleil.

Leurs hôtes coutumiers, les enfants et les femmes ;
Les rêveurs, les oiseaux, y coulaient l’heure en paix
Sous la protection de ces rameaux épais,
Qui, pleins d’une odeur saine, et par leurs longues trames
Formant comme un grand luth toujours prêt à vibrer,
Rendaient l’air plus sonore au pur essor des gammes
        Et plus suave à respirer.

On lisait d’anciens noms de seigneur ou de pâtre
Dans l’écorce gravés, et que dans ses retours
La sève agrandissait, mais effaçait toujours ;