Des lis renouvelés qu’on dirait immortels
Ne font qu’un printemps de l’année.
Sa chambre est toute bleue et suave ; on y sent
Le vestige embaumé de quelque œillet absent
Dont l’air a gardé la mémoire ;
Ses genoux, pour prier, posent sur du satin,
Et ses aïeux tenaient d’un maître florentin
Son crucifix de vieil ivoire.
Elle peut, lasse enfin des salons somptueux,
Goûter de son boudoir le jour voluptueux
Où sommeille un vague mystère ;
Et là ses yeux levés rencontrent un Watteau
Où de sveltes amants, un pied sur le bateau,
Vont appareiller pour Cythère.
L’hiver passe, elle émigre en sa villa d’été.
Elle y trouve le ciel, l’immense aménité
Des monts, des vallons et des plaines ;
Depuis les dahlias qui bordent la maison
Jusques au dernier flot des blés à l’horizon,
Elle ne voit que ses domaines.
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