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LA MARÉE


A Madame Émilie Chambre.


Sur les vivants, bêtes et plantes,
Qu’ont lassés les feux du soleil,
De ses urnes sombres et lentes
Le soir épanche le sommeil.

Le vent tombe, mourante haleine
Où semble expirer un secret ;
Tout dort sur le mont, dans la plaine,
Et sous l’immobile forêt.

Le Ciel et la Mer se regardent.
Seuls vibrent à travers la nuit
Les traits d’or que les astres dardent,
Seules les vagues font leur bruit ;

Au roc poli comme une armure
Par leur âpre et fougueux assaut
Elles se heurtent. Leur murmure
Trouble le silence d’en haut.