Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1879-1888.djvu/95

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


SONNET


A Madame Amélie Hayem


Pascal, qui, tourmentant ton grand cœur attristé,
Eu sublimes efforts épuises ton génie
Pour terrasser le doute et mettre en harmonie
La misère de l’homme avec sa majesté,

Tu sens par la raison le Credo contesté,
Et, lutteur isolé dans l’arène infinie,
Tu combats, une main de ton compas munie,
L’autre cachant ta plaie où le dogme est resté.

Que n’es-tu né plus tôt concitoyen d’Euclide !
Ou plus tard, dans notre âge où tout le ciel se vide
De ses Dieux obscurcis pour s’emplir de soleils !

Nous te verrions, exempt d’une foi qui torture.
Fier penseur, présider sans trouble à nos réveils,
Et, l’âme libre et saine, affronter la Nature.