Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1879-1888.djvu/85

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Et quand un enfant rôde au milieu des pervenches,
Les papillons jamais n’osent baiser ses yeux,
Et même quand il dort, sous ses paupières blanches
Ils semblent respecter un ciel mystérieux ;

C’est le respect sacré qu’inspire aux bétes l’homme.
Les bétes ont un Dieu qui ne se cache pas ;
Aussi, de quelque nom que notre orgueil le nomme,
Leur culte est le plus vieux des cultes d’ici-bas.

IV


Voir un être où palpite une plus haute vie,
D’un plus lucide esprit, d’un corps plus achevé,
Voir plus qu’on n’imagine ! Ah ! combien l’homme envie
Cet idéal, réel au lieu d’être rêvé !

Sur la terre, où le chien peut caresser son maître,
L’honneur du premier rang nous condamne à chercher
Dans le ciel notre Dieu, sans le jamais connaître.
Et nous n’avons pas même une main à lécher.

L’humanité demande à qui passer la flamme,
Après l’avoir portée aussi haut qu’elle a pu,
En quel être plus beau va s’épurer son âme,
Et sent au-dessus d’elle un échelon rompu ;