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Les spectres de mes sens hallucinés par elles,
Le mirage imposteur de la Nature en moi.

Donc en tous les vivants, de la plante à la béte
Et de la bête à l’homme, un coin de l’Infini,
Qui va s’élargissant, par degrés se reflète ;
C’est un réveil en eux qui s’opère à demi
Au milieu d’une nuit de moins en moins profonde ;
C’est le réveil multiple et graduel du monde
Au branle de ses lois qui n’ont jamais dormi.

II


Comme on voit, à Noël, toute une cathédrale
Surgir illuminée en pleine nuit d’hiver :
La crj’pte, secouant sa torpeur sépulcrale,
Réveiller les rougeurs de ses lampes de fer ;

Puis, plus haut, dans la nef où déjà l’encens fume,
Les ténèbres autour des piliers tressaillir,
Et les feux qu’un tison de lustre en lustre allume
Au bout des cierges poindre et tour à tour jaillir ;

Puis, par degrés montant et croissant, la lumière
Gravir le maître-autel sur les grands chandeliers
Oui, de plus en plus beaux d’ouvrage et de matière
Vers la coupole d’or s’étagent par milliers ;