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IDYLLE MUETTE


A Madame Isabelle Lafenestre.


Naïs, vierge blonde à l’œil noir,
Au bord du fleuve agenouillée,
Y mire sa bouche mouillée
Par le mobile et frais miroir.

Hylas la voit, cueille une rose,
La baise, la porte à son cœur,
La pénètre de sa langueur
Et sur l’eau qui s’enfuit la pose.

De tous les écueils triomphant
La fleur va rapide et légère,
Puis, odorante messagère,
S’arrête aux lèvres de l’enfant.

Ah ! souris ou du moins pardonne.
Vierge, à ce timide baiser,
Tu ne peux pas le refuser :
C’est une fleur qui te le donne.