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Sous le climat propice aux plus riches essences,
Leur être, qui dans l’ombre avait germé jadis,
Au ciel s’épanouit tout entier ! comme un lis
En achevant d’éclore accomplit le prodige
Qu’apprêtait la racine et qu’annonçait la tige.
Tout en eux, autour d’eux, est absolument pur.
La pensée en leurs corps ne sent plus aucun mur :
Par d’inquiets élans cette captive altière
Avait usé déjà sa prison de matière
Où le jour autrefois, par d’étroits soupiraux,
N’entrait qu’en se brisant à de jaloux barreaux ;
Maintenant que la chair n’est plus son ennemie,
Son libre vol explore une sphère infinie,
Car, ne se heurtant point à sa fine cloison,
Elle ne sent plus rien lui barrer l’horizon.
Elle ose provoquer les plus lointains problèmes.
Et les regarde en soi se résoudre d’eux-mêmes.
Le Beau, qui prête au Vrai la clarté du rayon,
Un visage adorable à la perfection,
Dans leur œil plus ouvert et plus lucide éveille
La pleine vision de toute sa merveille ;
De ses moules divins sort le contour ailé,
Et le sens leur en est jusqu’au fond révélé.
L’Idéal n’a pour eux plus rien d’imaginaire,
Car leur demeure même en est le sanctuaire ;
L’Ordre, qu’ils ont servi, leur sourit à son tour,
Et l’admiration dilate en eux l’amour !
Mais surtout, oh ! surtout, quels mots sauraient décrire
L’auguste accueil, le doux et superbe sourire