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Le fond de leur mémoire est encore ébloui.
Mais c’est le jour natal, et leur âme qu’il charme
En goûte la caresse à travers une larme,
De quelque peine ancienne inconscient reflux…
Puis l’attendrissement, croissant de plus en plus
Avec le souvenir de ce malheureux monde,
Rompt la digue des pleurs dont il attirait l’onde.
Combien avait de prise encore et de vigueur
La racine terrestre enfoncée en leur cœur !
Et que ces monts, ces bois, ces champs, ces mers, ces fleuves
Rendent d’amis perdus à leurs prunelles veuves !

L’ange pâle a fait halte et demeure en suspens…

« Vole ! exauce l’amour qu’en ces pleurs je répands,
Ô Mort ! lui dit Stella. Notre œuvre est commencée ;
Pour ne pas s’accomplir elle est trop avancée.
Au départ j’ai frémi, mais je brûle à présent
De rendre à la douleur un culte bienfaisant ;
N’arrête point au seuil l’essor qui nous ramène.
Après un lâche oubli, vers la patrie humaine. »

faustus

Oh ! pourquoi, si près d’eux, au moment d’atterrir,
Faire attendre les maux que nous voulons guérir ?
Divine conductrice, achève donc la route !
Qui te peut retenir de la mesurer toute ?
Là, sous tes pieds, peut-être à ton fardeau sauveur