Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1879-1888.djvu/358

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Va rendre à ce vallon l’attrait qui nous enchaîne :
C’est au réveil des fleurs que la vertu s’endort…

stella

Prends-moi donc sur ton cœur et fais signe à la Mort !

O bravoure où criait l’ancien sang de sa race !
Avec emportement son bien-aimé l’embrasse…

Époux, l’un contre l’autre appuyez bien vos cœurs :
Vos âmes cette fois sur vos lèvres sont sœurs
Par un lien plus fort que les chaînes charnelles ;
Leur commun dévoûment les a faites jumelles
Par l’héroïque emploi de leur félicité,
Comme jamais encore elles ne l’ont été.
Vous connaissiez l’amour, mais non sa joie entière :
La profonde douceur, la jouissance altière
De rendre sur la lèvre un culte à la vertu.
De pouvoir s’adorer quand le désir s’est tu.

La tombe est toute faite, et pour l’heure fatale
L’aube leur a tissé des suaires d’opale.
Ils regagnent leur couche, et se livrent tous doux,
En silence, à l’asile aujourd’hui hasardeux
Que leur ouvre ce lit, odorante corbeille
Où, depuis si longtemps, leurs bonheurs de la veille
Au fidèle matin renaissaient rafraîchis.
Étendus sans bouger, droits, les bras seuls fléchis