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stella

J’ai souvenance, ami, qu’une nuit, en effet,
Je me sentis sombrer dans le sommeil parfait
Que j’ai connu jadis en montant vers ce monde :
C’était comme une paix infiniment profonde.
Certes, s’il n’en doit pas coûter plus à nos sens,
S’il nous faut seulement glisser dans l’autre sens,
À quoi bon différer la fatale descente ?
Nos regards sont tournés vers la patrie absente :
Ne les reportons plus au paradis laissé ;
Notre zèle, en tombant, s’y débattrait, blessé
Comme un ramier meurtri par les lacets d’un piège ;
Sauvons-le du regret qui de partout l’assiège.

faustus

Oui, fragile est l’ardeur, le devoir ombrageux :
Craignons de retirer sous le dé nos enjeux
Par la tentation d’un regard en arrière ;
Ne prêtons pas l’oreille à la douce prière
Que nous fait cet Éden au climat suborneur
De ne le pas risquer pour le gain de l’honneur.
Vois, le profil des monts tendrement s’illumine ;
Moins sombre est la forêt qui là-bas s’y termine ;
Autour de nous déjà se redressent les fleurs,
Le crêpe est moins épais qui voilait leurs couleurs,
Leur grâce nous menace, et l’aurore prochaine