Depuis qu’ayant guéri mon passé, ton amour
Cessa d’être un dictame.
« Ah ! je songeais combien nous aurons à souffrir
De connaître et vainement plaindre
Tant de maux qu’il serait plus noble de guérir
Que doux de ne pas craindre.
« Et j’enviais l’honneur, par d’autres mérité,
D’abolir la misère humaine ;
Je rêvais d’aller rendre à notre charité
Son douloureux domaine ;
« Mais, sans avoir perdu, grandi par cet honneur,
Le nom d’époux dont tu me nommes,
De revenir vers toi mêler à ton bonheur
Celui de tous les hommes ! »
Levant son clair regard, Stella profondément
Dans les yeux de Faustus le plonge un long moment ;
Elle y mire son âme avec idolâtrie,
Lui jette au cou ses bras, les y noue, et s’écrie :
« Si tu faisais cela, mon bien-aimé, mon roi !
(Mais c’est chose impossible et folle que tu rêves…)
Si tu désertais l’astre où m’ont rivée à toi
Nos heures de délice innombrables et brèves ;
« Si, héros par l’ivresse encore mal dompté,
Vers la terre osant seul rebrousser les abîmes,
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