Jusqu’à la nuit sublime où, m’abusant, tes larmes
Ont de tes yeux jailli
Si chaudes que, rendue aux anciennes alarmes,
J’ai soudain tressailli.
Alors (mais ce fut court comme un vol de nuée
Qui menace et s’en va)
Du fond de ma mémoire une ombre remuée
Tout à coup s’éleva,
Foule vague et lointaine, à peine murmurante.
Qui m’effraya pourtant,
Mais que ton regard calme et ta voix rassurante
Chassèrent à l’instant.
Parfois un reste obscur de la crainte éphémère
Dont j’ai pour toi frémi,
Effleurant mon bonheur, même en tes bras l’altère ;
Je te l’avoue, ami !
Cette peur que pour moi tu sentis par méprise
A soulevé, dis-tu, la brume informe et grise
Du passé de là-bas longtemps enseveli…
Hélas ! et, par moments, ce souvenir morose
T’importune, lambeau d’orage en un ciel rose…
Si la terre pourtant souffrait de notre oubli ?
Si devant nous, Stella, ses passagers, nos frères,
Sur leur grossier radeau battu des vents contraires,