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Dans un embrassement immobile et muet
Ils sentent s’accomplir leur suprême souhait.

Sur leur enchantement le temps plane et s’arrête…

— « Laisse-moi m’arracher pour une heure à tes bras,
Et permets, dit enfin Stella, qu’en bas j’apprête
Notre nid quotidien : tu m’y retrouveras.
Déjà l’ombre envahit la vallée ; il me tarde
De le fleurir : ce soin délicat me regarde. » —

Elle s’est dégagée et part en envoyant
Dans sa fuite à Faustus un baiser souriant.
Il suit, plongeant les yeux sur la vaste pelouse.
Le labeur gracieux de l’angélique épouse.
Et voit s’amonceler sous le mourant soleil
Le frais tapis qui doit parfumer son sommeil.

L’amour fait de sa vie une paisible fête.

Mais voilà qu’il tressaille ; il a dressé la tête
Comme si quelque souffle eût frôlé ses cheveux.
— « Qu’ai-je entendu ?… Sans doute, oui ! sans doute la brise.
La brise qui chuchote et m’effleure en ses jeux.
Une plainte ? Mais non ! Quelle étrange méprise !…
Un bruit d’ailes peut-être ? Oh ! ce n’est cette fois
Ni vol d’oiseau ni vent ! On dirait une voix…
Le frisson gémissant des lointaines ramures
Ressemble, vers le soir, à de vivants murmures…