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IX

L’AIGUILLON




faustus

Que de fois avons-nous, de ce haut promontoire,
Contemplé ce grand fleuve aux berges de gazon
Déroulant sous nos pieds sa claire et souple moire
Qui va là-bas se perdre au bleuâtre horizon !

Ces fleurs couvrant le sol de leurs riantes gerbes
Comme un manteau tigré jeté sur un dormeur,
Et ces vierges forêts aux statures superbes
Dont nous bercent d’en bas la houle et la rumeur !

Que de fois, unis là dans une même extase,
Côte à côte, en silence, et la main dans la main,
Sur ce roc dont les bords nous dérobent la base,
Avons-nous cru planer dans un vol surhumain !