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faustus

« Si peu qu’à l’avenir la vérité m’importe,
Aujourd’hui de son temple entr’ouvre-moi la porte,
Lui répondis-je, après je la refermerai,
Mais je soupire au seuil de l’inconnu sacré.
Mes sens, mon cœur ont eu leur joie entière et pure ;
A son tour mon esprit réclame sa pâture :
Ouvre de ce beau temple à ses regards ravis.
Sinon le sanctuaire, au moins tout le parvis ! »
— « Par son ordre éternel la Nature est divine,
Reprit-il, c’est pourquoi la science confine
Par ses deux bouts au dogme aveugle, et c’est pourquoi
Euclide, malgré lui, fait des actes de foi.
La science à la nuit arrache par poignées
Des lois, confusément par les faits témoignées,
Puis, livrant leur mêlée au labeur du cerveau,
Par un examen lent, incessamment nouveau,
Les débrouille d’abord, les dégage de l’ombre,
Les éprouve, et réduit patiemment leur nombre.
Il n’en restera qu’une, objet simple et dernier,
Où le front du savant aspire à s’appuyer ;
Mais cet appui suppose une autre assise encore,
Le réel fondement qu’on sent et qu’on ignore,
L’Être qui par soi-même existe et se soutient,
Qui seul dure, à qui seul la puissance appartient.
Le connaître serait saisir la cause même,
Non la loi seulement, mais la raison suprême,