Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1879-1888.djvu/284

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Vous épiez leur suite, et c’est perdre vos peines :
__________Les deux bouts sont plus haut.

« De la Vérité l’homme, en la servant, demeure
__________Serviteur à demi,
Si, n’osant l’approcher en époux, il l’effleure
__________Et n’en est que l’ami !

« Elle n’est certes pas d’une facile étreinte,
Et sa morsure au cœur laisse une ardente empreinte :
Souvent insaisissable, elle frustre nos bras
Ou ne donne au baiser que des enfants ingrats ;
Aux vœux impatients, au zèle téméraire
Trop souvent elle oppose une froideur contraire ;
Mais par ses grands refus s’égarer ou souffrir,
Comme à ses trahisons, à ses rigueurs s’offrir,
C’est l’aimer tout entière, et, sans retraite aucune,
Suivre tout son caprice et toute sa fortune !
Sages qui n’en prenez qu’avec mesure et choix,
Vous n’enchaînerez pas notre culte à vos lois ! » —

« Ainsi répondent ceux dont l’amour monte et vole
Droit vers le sein voilé de cette altière idole,
A ceux qui, las d’assauts vainement essayés,
Se résignent dans l’ombre à lui baiser les pieds.

« Hélas ! à qui d’entre eux faut-il que je me fie ?
A ceux qui, terrassant toute sublime envie,
Marquent à la pensée un poste humble mais sûr.
Et l’arment d’un regard d’exacte sentinelle,