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Y joint l’éclair sacré né de l’intelligence.
Il voit les faits aux faits continûment s’unir
Et l’existence éclore au sein du devenir. »

Ces penseurs ont, d’un œil ou profond ou sagace,
Cherché l’être du monde à travers ses aspects ;
Ils n’ont, dans leurs efforts pour l’y voir face à face,
Que révélé combien son beau voile est épais.
C’est dans la conscience et c’est dans l’âme humaine
Que Faustus a l’espoir de le saisir sans fard :
Il va consulter ceux dont l’œil baissé promène
Dans le domaine intime un pénétrant regard.

« Berkeley, que l’horreur des sens grossiers inspire,
Fait de leur témoignage un hostile examen :
Du corps, fantôme creux, l’âme usurpe l’empire.
Il ne reste que Dieu devant l’esprit humain !
Hobbes n’avait à l’homme octroyé de connaître
Que la ferme matière, unique fonds de l’Être :
Dieu, l’esprit, que sont-ils ? Rien ! des mots seulement.
— Tout ! répond Berkeley, car la matière ment !

« Hume reprend leur œuvre, il la pousse et l’achève :
Il prouve qu’ils ne font l’un et l’autre qu’un rêve,
Et le balai du doute emporte sans merci
Avec le corps nié l’âme niée aussi.
La cause, nœud des faits, déçoit l’expérience :
Elle n’est qu’habitude, et le savoir croyance.
Tout le miroir du vrai se dérobe obscurci.
A recouvrer sa foi la raison s’évertue.