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Vestiaire sacré des formes éternelles.
Où les mondes grossiers ont leurs divins pareils,
Où trône l’Idéal, dont les claires prunelles
Enseignent la splendeur à leurs pâles soleils.
Platon surpris contemple au fond de sa pensée
Le Beau, l’Être sans borne et qui ne peut finir.
Et sent que d’une extase autre part commencée
L’âme apporte à la terre un divin souvenir !

« Pyrrhon passe en doutant, comme une ombre inquiète
Qui se tâte elle-même et ne se trouve pas.

« Aristote au savoir a marqué sa conquête
Et, le premier, l’oblige à monter pas à pas.
Il voit l’univers même, artisan de sa forme,
Sous l’aiguillon du Bien vers le Beau se mouvant,
Sans modèle étranger qui dans l’absolu dorme,
Car son propre idéal tressaille en lui vivant.
Du principe et des fins il règle l’harmonie.
Par un puissant retour de la raison sur soi
Il se rend spectateur de son propre génie,
Il en suspend le vol pour en saisir la loi.
Du vrai monde observant la cause et la structure.
Il laissait aux rêveurs leurs mondes creux et froids ;
Il a surpris la vie au cœur de la Nature,
Il a discipliné les penseurs et les rois !
 
« Ô grand Zénon, patron de ces héros sans nombre
Accoudés sur la Mort comme on s’assied à l’ombre