Qu’en haut, très loin du sol où s’effacent les formes,
D’innombrables points d’or font sentir plus énormes
Les espaces comblés seulement par la nuit,
Quand la vie a cessé son travail et son bruit,
Sous ce grand deuil semé de lointaines lumières,
Perdant le proche appui des choses coutumières,
Seul, devant l’univers qui va s’amplifiant,
L’esprit déconcerté devient moins confiant.
Sans le fard bigarré qui pour l’œil le diapre,
L’Être oppose un refus plus sinistre et plus âpre
À l’interrogatoire anxieux qu’il subit,
Obstinément muet, adjuré sans répit.
Faustus veut, à son tour, au silence du gouffre
Arracher le secret dont, toujours homme, il souffre.
« Loin du monde cruel et vil
D’où m’a sauvé la mort, dit-il,
J’ai passé des heures si douces !
Les ans, que je ne comptais plus,
Insensiblement révolus,
M’emportaient d’un vol sans secousses ;
« Et sans nulle peine conquis
Tous les plaisirs les plus exquis
À mes sens versaient leur ivresse ;
Les bonheurs les plus délicats
Offraient, exempts de tous combats,
À mon cœur aussi leur caresse.
Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1879-1888.djvu/242
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.