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Fais que, par ta vertu sympathique éveillées,
Les fibres de son cœur répètent mon émoi,
Qii’il sente en lui frémir ce qui frémit en moi,
Que nos ailes enfin battent appareillées !
 
Alors, couple parfait, d’un vol harmonieux
Nous irons explorer l’infini côte à côte,
Du plus profond amour à la paix la plus haute,
L’infini du bonheur, impénétrable aux yeux ! —

Stella se tait. Au loin son regard semble lire.
Caressant d’une main qu’agite son délire
Les cheveux du jeune homme assis sur le gazon,
Et de l’autre attestant le sublime horizon,
Debout, la bienheureuse en extase s’arrête.
Avec un lent sourire elle penche la tête,
Sur sa poitrine croise et presse ses deux mains.
Et pour se préparer aux cantiques prochains
Elle songe, et tout bas recueille sa pensée.
Puis, d’une voix d’abord lentement cadencée,
Elle chante...
_________O merveille ! ô fête ! Hélas ! quels mots
Seront jamais d’un chant les fidèles échos ?
duels vers diraient du sien l’indicible harmonie ?
Toute l’œuvre possible au langage est finie
Quand il a seulement fait signe au souvenir ;
Symbole indifférent, impropre à contenir
Le moule et le miroir des choses qu’il doit rendre,
A qui n’en connaît rien il n’en peut rien apprendre.