Et par son incantation
La mélodie au cœur rappelle
La tendre ou vive passion
Dont l’accent se réveille en elle,
Ou, n’évoquant rien du passé,
Elle ouvre une immense avenue
A son grand vol jamais lassé
Dans le suprême azur sans nue !
Mon chant va te bercer, égal et lent d’abord
Comme un chant de nourrice,
Pour te faire oublier des blessures du sort
Même la cicatrice,
Pour effacer en toi du récent souvenir
La tache encore noire,
Pour qu’il ne reste plus même une ombre à bannir
Du fond de ta mémoire,
Pour qu’un rêve calmant délivre ton cerveau
De la pensée ancienne,
Et que des vieux soucis rien dans ton cœur nouveau
Désormais ne revienne.
Dans les profondes eaux d’un murmurant Léthé
Il faut que tu te plonges,
Comme il faut bien dormir pour être visité
Par l’essaim des beaux songes ;
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