Écoutons-les. Jadis l’hymne du rossignol.
Si renommé sur notre ancienne terre,
Des nuits d’alors enchantait le mystère
Sans jamais rendre au ciel l’âme enchaînée au sol.
Te souvient-il du parc où nous errions si tristes ?
Dans un sentier tout jonché de lilas
La solitude alanguissait nos pas,
Le crépuscule aux fleurs mêlait ses améthystes.
Où sombrait le soleil, dans un lointain pays,
Nos cœurs rêvaient une patrie absente...
Quand une note au ciel retentissante
Comme un trait d’or soudain s’éleva du taillis ;
Une autre, puis une autre, en sonores fusées
Par temps égaux jaillirent de ce bois ;
Puis, d’un essor qui s’essayait, la voix
Préluda vaguement par roulades brisées.
Tu t’arrêtas, le doigt sur la bouche, et me dis :
« Le rossignol chante ! prêtons l’oreille.»
Avidement tu l’écoutais, pareille
A quelque ange en exil au seuil du paradis.
La nuit mélancolique achevait de descendre
Et semblait sur le parc avec lenteur tomber.
Comme d’un fin tamis une légère cendre.
En noyant les contours qu’elle allait dérober ;
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