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La torride chaleur et la rude froidure
______Ont sévi, mais sans l’étouffer ;
L’air énervant qui berce une molle verdure
A pu, trop embaumé, l’assoupir : elle dure,
______Elle a su partout triompher !

Ô Terre ! elle a bravé sur toute ta surface
______Tes délices et tes rigueurs ;
Rebelle à ta caresse et sourde à ta menace,
Elle a rampé, lutté, grandi, souple et tenace,
______Dans les corps humains, tes vainqueurs !

Les voilà ! combattants que la victoire apaise,
______Tels que tes saisons les ont faits,
Mais sous un ciel exempt d’influence mauvaise,
Plus beaux, plus sains, guéris de tous les maux, pleins d’aise,
______Inaltérables et parfaits !

Ceux dont ton avarice avait plié le buste
______Sur le soc, la pioche et la faux,
Enrichis d’un bras fort, d’une épaule robuste,
Conservent, redressés, leur énergie auguste,
______Vrai salaire de leurs travaux.

Ceux qu’avaient alanguis les traits ardents que lance
______Un soleil fauve, et les senteurs
Des lourdes floraisons dormant dans le silence,
Gardent, ressuscités, leur ancienne indolence
______Sous des contours plus enchanteurs.