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Font place à d’autres pleurs lents et délicieux,
Aux pleurs qu’à l’œil ravi les horizons arrachent
Et que ni la terreur ni la haine ne cachent.

Stella dit à Faustus : « Vois, admire à ton gré
Leur bonheur libre et pur de la terre ignoré.
Les corps peuvent ici, dans leur pleine croissance,
Ne sentant pas la mort liée à la naissance,
Jouir d’une jeunesse aux jours illimités,
Exempts de toute usure et des infirmités
Qui, par une imparfaite et dure économie,
Font de la volupté, là-bas, une ennemie.
Cet astre généreux donne à ses habitants
Une tranquille foi dans ses bienfaits constants ;
Il leur prodigue à tous ses trésors sans mesure
Et rend ainsi la paix facile entre eux et sûre.
Un infaillible choix y rend perpétuel
Dans les cœurs des amants leur attrait mutuel.
Des visages, des goûts, l’accord et le contraste,
Enfin persévérants ! fixent leur amour chaste ;
La main qui les forma les a sacrés époux :
Fidèles par nature, ils ne sont point jaloux. »

faustus

Il peut donc exister une humanité bonne,
Paisible, et qui sans honte à l’instinct s’abandonne,
Pouvant vivre sans meurtre, exempte de la faim,