Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1879-1888.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je conservais la trace encore douloureuse
______De mon long et mortel tourment ;
Comment aurais-je été loin de toi tout heureuse ?
______Mais je vais l’être entièrement. —

Elle lui tend la main ; il sent, à ces paroles,
Soudain s’évanouir ses épouvantes folles :
L’intolérable poids dont il est oppressé
Glisse de sa poitrine, et le doute a cessé.
Il laisse son angoisse en tièdes pleurs se fondre,
Et regarde longtemps, sans pouvoir lui répondre,
Celle qu’il vit mourir sur la terre autrefois,
Sa Stella bien aimée. Il écoute sa voix.
Dont le timbre et l’accent comme d’un ciel sonore.
Après qu’elle a parlé, le remplissent encore,
Et contemple ses traits tels qu’il les a chéris ;
Car l’œuvre de la Mort ne les a pas flétris.
 

faustus

Stella, je ne dors pas. La secousse est trop forte
Pour que sans s’éveiller mon âme la supporte !
Non, je ne rêve pas. Mon trouble est trop profond :
Quelque étrange que soit ma veille, il m’en répond.
Je te vois : tu sauras m’expliquer ce mystère,
Toi qui m’as devancé sur la nouvelle terre,
Mais d’abord, par pitié, puisque tu m’apparais,
Laisse-moi savourer mon ivresse à longs traits ;