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spiration, sa seule excuse est d’avoir cru voir tout au fond luire les vérités dont la révélation importe le plus au genre humain. Malheureusement, ce qui importe le plus n’est pas toujours ce qui séduit davantage, et ses jaloux amis attendent d’elle tout autre chose ; le moindre grain de mil au soleil ferait bien mieux leur affaire. L’auteur ne se le dissimule pas. Il sait du reste que si la curiosité, à titre de passion, relève de la poésie, la recherche ne peut avancer sûrement sans ramper, ni aucune notion s’éclaircir sans se décolorer ; mais les grandes découvertes lui semblent si émouvantes qu’il ne se résout pas à les exclure du domaine poétique pour peu que les formules en puissent être transposées dans la langue littéraire ; il y a là une difficulté d’art qui l’attire. Une grande part, peut-être excessive, de cet ouvrage en fait foi. Qu’on lui pardonne d’avoir reculé devant une amputation douloureuse et discutée, et qu’on lui permette de défendre la légitimité seulement de sa tentative.

Dans le conte, la fable, la comédie, le poète rencontre une difficulté analogue, car il doit souvent plier le vers à l’expression de choses d’ordre tout positif. Sa tâche est même plus ardue encore, puisqu’il n’est pas soutenu par la majesté du sujet. Personne cependant ne lui conteste son droit. C’est que l’artiste se manifeste en lui avec d’autant plus d’autorité qu’il fait un plus habile usage de ses ressources ; on lui sait gré d’avoir consacré une maxime ou