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Et, sous un même vent d’espérance et d’audace,
Ils sont tous entraînés vers les mêmes hauteurs.
D’où l’immense horizon, que l’œil sans voile embrasse,
Nivelle et noie en bas l’arène et les lutteurs.

C’est ainsi qu’au-dessus des passions vulgaires,
Aux vertus qui s’en vont nous forçant d’applaudir,
Tu nous fais oublier nos misérables guerres
Dans un monde où tout l’homme aspire à se grandir

Ah ! du moins, pour un jour, au pied de ta statue,
Imposant l’accalmie au forum agité,
La France, de sa gloire ancienne revêtue,
Peut jouir, grâce à toi, de l’unanimité !

Et devant toi l’espoir ose en elle renaître.
Car, après deux cents ans, ses maux n’ont point tari
Le sang vivace et pur qui t’avait donné l’être,
Et n’ont pas épuisé le sol qui t’a nourri.

Au nid d’où sortit l’aigle un aiglon peut éclore
Dont l’œil porte à son tour des défis au soleil,
Et dont l’aile, après lui, tente le ciel encore
D’un vol imitateur mû par un sang pareil !

Chez tes fils d’aujourd’hui retrempés par l’épreuve
Que ton œuvre virile engendre des rivaux !
Que ton solide verbe offre a leur âme neuve
Un moule rajeuni pour des pensera nouveaux !