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Car si déjà tes vers par leur saine puissance
Rendirent la noblesse aux lèvres comme au cœur.
Aux rires de Thalie enseignant la décence,
Aux cris de Melpomène une austère vigueur.

Leur mâle accent encore aujourd’hui nous révèle
Ce qui dort d’énergie en notre volonté,
Et sait y faire encor palpiter la grande aile
De l’héroïsme ancien, vaincu mais indompté !

De Chimène et du Cid la tragique aventure
Nous exhausse le cœur pour nous mieux émouvoir.
En nous montrant l’amour qu’un jeûne ardent torture
Et qui lutte enchaîné par le sang au devoir.

Quand, fouillant le passé, ton génie en ramène
Des traits d’honneur fameux que tes beaux vers font tiens
Tu sais communiquer ta vieille âme romaine
Par la voix d’un Horace à tes concitoyens !

Tu nous rends généreux par l’exemple d’Auguste,
Quand du ressentiment le sublime abandon
Ose trahir en lui la sévérité juste
Pour nous faire admirer la beauté du pardon !

Polyeucte en un chant magnifique et suave
Nous promet un royaume où la paix peut fleurir,
Et témoigne en tombant, devant les dieux qu’il brave,
Que le Dieu qu’il révère enseigne à bien mourir !