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VERS

lus à un banquet du lycée condorcet


Mes chers camarades,


Mon office important de président m’impose
Devant vous le devoir de ne parler qu’en prose,
Et… Mais je crois, bon Dieu ! que je viens de rimer !
Je voulais en langage austère m’exprimer,
Et voilà de retour la rime en vain bannie !
On ne peut à son gré dompter cette manie
D’assortir les beaux sons, d’en chercher les échos.
Et de les ordonner par nombres musicaux.
C’est surtout au réveil d’une image touchante,
C’est quand la voix du cœur tressaille en nous et chante,
qu’à notre insu tout bas nous en rythmons l’essor
Et cédons au plaisir d’en faire tinter l’or.
Et comment refréner tout élan poétique
Dans ce riant banquet, vierge de politique ?
Par la fraternité, par ses faciles nœuds,
Exempts de nous heurter au problème épineux
D’être en paix sans s’aimer, d’être unis sans se plaire,
Nous célébrons gaiment l’égalité scolaire,