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Le champ des mers te rit ; fertile en beaux ouvrages,
La terre épand les fleurs suaves sous tes pieds,
Le jour immense éclate aux cieux pacifiés !
Dès qu’avril apparaît, et qu’enflé de jeunesse
Le fécondant Zéphir a forcé sa prison,
Ta vertu frappe au cœur les oiseaux, ô Déesse,
Leur bande aérienne annonce ta saison ;
Le sauvage troupeau bondit dans l’herbe épaisse
Et fend l’onde à la nage, et tout être vivant
À ta grâce enchaîné brûle en te poursuivant.
C’est toi qui par les mers, les torrents, les montagnes,
Les bois peuplés de nids et les vertes campagnes,
Plantant au cœur de tous l’amour cher et puissant,
Les pousses d’âge en âge à propager leur sang !
Le monde ne connaît, Vénus, que ton empire ;
Rien sans toi, rien n’éclôt aux régions du jour,
Nul n’inspire sans toi, ni ne ressent d’amour !
À ton divin concours dans mon œuvre j’aspire !
Je veux à Memmius parler de l’Univers,
À notre Memmius que, prodigue et constante,
Orna de tous les dons ta faveur éclatante !
Donne, ô Vénus, la grâce éternelle à mes vers !

   Mais, pendant que je chante, et sur mer et sur terre
Endors et fais tomber la fureur de la guerre :
Tu peux, seule, aux mortels donner la douce paix.
Mars, le Dieu tout armé de la guerre farouche,
Quand l’amour l’a vaincu, sur ton sein jette et couche
Son cœur blessé du mal qui ne guérit jamais ;
Tes genoux pour coussin, dans un regard de flamme,